On les a fait venir
Je suis le chat de cimetière,
De terrain vague et de gouttière,
De haute-Egypte et du ruisseau
Je suis venu de saut en saut.
Je suis le chat qui se prélasse
A l'instant où le soleil passe,
Dans vos jardins et dans vos cours
Sans avoir patte de velours.
Je suis le chat de l'infortune,
Le trublion du clair de lune
Qui vous réveille dans la nuit
Au beau milieu de vos ennuis.
Je suis le chat des maléfices
Condamné par le Saint-Office;
J'évoque la superstition
Qui cause vos malédictions.
Je suis le chat qui déambule
Dans vos couloirs de vestibules,
Et qui fait ses petits besoins
Sous la porte cochère du coin.
Je suis le félin bas de gamme,
La bonne action des vieilles dames
Qui me prodiguent le ron-ron
Sans souci du qu'en dira-t-on.
Epargnez moi par vos prières
Le châtiment de la fourrière
Où finissent vos émigrés
Sans demeure et sans pedigree.
Henri Monnier , extrait de ?
Lapalissade
Le chat noir de la palissade
Promène son museau partout,
C'est un pirate en embassade,
Le chat noir qui s'en vient chez nous.
Dans le jardin ou sur le toit,
En mille et une escapades
De tous côtés, il est le roi.
Il est le tigre du Bengale
Et le prince des maraudeurs,
Sa moquerie est sans égale:
Ce chat-là est un chapardeur.
Il faut le voir, cet escogriffe,
Ce gracile animal ingrat
Qui lacère à grands coups de griffe
Les détritus de papier gras.
Il mène sa vie à sa
guise,
Ne faisant que ce qui lui plaît,
Il se complaît dans des bêtises
Qui ne valent pas un couplet.
Et cependant si ce vaurien
Ne commet que des incartades
A la maison, on l'aime bien,
Le chat noir de la palissade.
Henri Monnier , extrait de ?