A MON CHAT
MON chat, hôte sacré de ma vieille maison,
De ton dos électrique arrondis la souplesse,
Viens te pelotonner sur mes genoux, et laisse
Que je plonge mes doigts dans ta chaude toison.
Ferme à ; demi, les reins émus d'un long frisson
Ton oeil vert qui me raille et pourtant me caresse,
Ton oeil vert semé d'or, qui, chargé de paresse
M'observe d'ironique et bénigne façon.
Tu n'as jamais connu, philosophe, ô vieux frère,
La fidélité sotte et bruyante du chien :
Tu m'aimes cependant, et mon coeur le sent bien.
Ton amour clairvoyant, et peut-être éphémère,
Me plaît; et je salue en toi, calme penseur,
Deux exquises vertus : scepticisme et douceur.
Jules Lemaître ,
extrait de Les Médaillons